Qualifié de « nouveau romantique » par Françoise Jaunin,
de « nomade de l’art » par J.-F. Aimaud, de « blanchisseur de
l’âme » par Christian Pellet, Muma, arrivé sur le tard dans
les chemins de l’art, se trouve à un moment important de
sa carrière.
Cinquième d’une famille de onze enfants, Muma est né à
Barcelone en 1957. Les souvenirs de la dictature franquiste
le marqueront profondément, et feront de lui une personne
engagée. Le bac en poche (1977), il quitte la maison parentale
et s’installe en plein cœur de Barcelone, dans le « Barri Xino »
pour étudier la musique et franchir les premiers pas dans le
monde de la peinture. La longue hésitation entre ces deux
disciplines, avec de nombreuses productions musicales à la
clé (1978-84) sera tranchée par un voyage à vélo en solitaire
qui le conduira jusqu’au coeur de l’Asie (16 mois).
Il retire de son voyage un besoin d’approfondir ses connais-
sances et de compléter sa formation intellectuelle et artis-
tique. Pour ce faire, il s’installe à Lausanne (1986) et entre
à l’Université de Lausanne (histoire de l’art), puis à l’École
Cantonale d’Art de Lausanne, où il s’initie à la gravure.
Tout en exposant depuis 1991, c’est en 1994-95, autour du
projet Réflexion sur l’eau, qu’il faut situer le premier tournant
professionnel de son travail : regard critique de Jean-Luc
Chalumeau au Salon Jeune Peinture 95, à Paris, première
plaquette en couleurs, premier achat institutionnel (Ville de
Lausanne, décoration de la STEP : 8 pièces).
Sa double formation et sa vive curiosité lui font établir
des ponts avec le monde des lettres : Beat Christen, avec
Der Mensch ist der Mensch des Menschen (Prix Gutenberg-
ECAL 1993), Joan Brossa avec Clavegueram, Daniel Maggetti
avec Fourmis Cosmiques, Eugène et Jacques Roman ; ainsi
qu’avec d’autres artistes (travail de confrontation avec le
sculpteur Étienne Krähenbühl : exposition…temps…, Mar-
tigny-Barcelone).
Dès 2000 un nouveau tournant, très prometteur, s’annonce :
de grands formats, une simplification drastique de la tech-
nique réduite à quelques crayons, du blanc, des acryliques
translucides, des lavis, des silhouettes. Ce sont des images
complexes, composites, qui ouvrent des liens entre elles.
Cependant, l’élément déterminant, catalyseur, a été la
prise de conscience progressive du rôle joué par les images
dans notre perception et des éléments constitutifs de celles-
ci : l’image unique n’existe point. Celle-ci s’inscrit toujours
dans une lignée de parentés, d’influences, d’emprunts et de
progénitures qu’il convient de prendre en compte au moment
de la produire ou de la regarder.
Le travail entamé en 2000 se concrétise dans des projets
importants : Girona (E), exposition, installation et perfor-
mance (2003), Espace Culturel Assens (CH), exposition et
performance, Allumons Vallauris ! (F) en 2004, et finalement,
l’exposition au Musée Historique de Lausanne (2006), pour
lequel l’artiste a inventé un alter ego appelé Croûton l’Ancien
(Mémoires anticipés du professeur Croûton l’Ancien, Art
& Fiction 2004) qui donne à son travail un ton ironique et
métadiscursif assez décoiffant. Le dernier avatar de ce travail
constitue une critique du marché de l’art, présentée dans le
théâtre Les Salons, à Genève, avec le titre Art Basel Survival
Kit et signé par un énigmatique R. Tartamutt (juin 2010).
Parallèlement au travail d’atelier, sa réflexion sur le lien
social (constitutif de la polis) et les rituels collectifs (consti-
tutifs du symbolisme de la société) trouvent dans ses perfor-
mances un terrain de prédilection avec un succès croissant
et une renommée qui traverse les frontières : Allumons la Mer
(Barcelone, 2009), Caminos de Fuego (Cordoue, 2009), Le
Jardin des Lumières (Musée National Suisse, Prangins, 2008),
Millénaire de Neuchâtel (2011), Lucioles, Festival de la Cité
(Lausanne, 2012), Les Lumières du 28 mars (Le Touquet-
Paris-Plage, 2013), Cucurbita Ardens (Carouge – Genève,
2014), Les Lumières de la Paix (Melun, 2018), Avec l’aide de
tous (Télévision Catalane à Barcelone, 2020).